Réflexion sur les chansons à succès du Japon depuis 2020
Sushi, Pokémon, anime… tout cela fait partie de la culture japonaise que nous adorons. Mais qu’en est-il de la musique ? Avec cet article, j’aimerais éveiller votre curiosité pour la scène musicale japonaise contemporaine, qui mérite tout autant d’attention.
Je vous présente ici 20 chansons marquantes du Japon (2020-2024), soigneusement sélectionnées en fonction de leurs performances en streaming et de mes impressions personnelles. Le critère ? Des morceaux ayant dépassé les 10 millions de lectures sur YouTube ou Spotify—ou qui s’en rapprochent. J’ai volontairement mis de côté les méga-hits dépassant les 100 millions de lectures, afin de vous proposer une sélection plus fraîche et moins attendue.
En tant que Japonais vivant au Japon, je partage avec vous une playlist Spotify regroupant ces 20 titres, classés en ordre chronologique inversé pour faciliter l’écoute. Que vous soyez à la recherche de pépites méconnues ou curieux de découvrir les tendances actuelles au Japon, cette liste vous offrira un aperçu original du paysage musical des années 2020. Bonne écoute ! 🎧
1. Kenshi Yonezu – « Azalea »
Date de sortie : 18 novembre 2024
Chanson utilisée dans : le drama Netflix Beyond Goodbye (Sayonara no Tsuzuki)
Ce morceau est l’un de mes préférés, et je lui ai même consacré un article dédié—n’hésitez pas à y jeter un œil ! Sorti en novembre pour accompagner la diffusion du drama, il aurait été composé avant même la parution, en août, du dernier album de Kenshi Yonezu, LOST CORNER.
En tant que chanson-thème d’un drama qui explore la notion de « remplaçabilité », ce titre aborde une vérité profonde et universelle sur les liens humains. Même si l’on pense souvent que certaines relations sont irremplaçables, la réalité montre que l’amour peut refleurir après une séparation. Ce thème rejoint parfaitement l’univers récent de Yonezu, qui s’attache à dépeindre la nature éphémère et pourtant persistante des relations humaines.
2. Vaundy – « Fujin »
Date de sortie : 12 octobre 2024
Chanson-thème du drama TBS Light of My Lion (Raion no Kakurega)
Vaundy a réalisé à la fois la séquence d’ouverture du drama et le clip vidéo de cette chanson—un fait rare pour un artiste au Japon. Il s’agit d’ailleurs de son quatrième clip auto-réalisé, reflétant ainsi son engagement à véhiculer son message dans chaque facette de son art.
Le thème de ce morceau met en scène l’humanité sous les traits de « Fujin » (dieux du vent), chacun enveloppé dans son propre courant d’air. Ces vents peuvent blesser autrui, mais cette souffrance n’est pas simplement négative—elle symbolise aussi la communication, et souligne la raison pour laquelle les humains coexistent.
L’idée selon laquelle « dès lors que nous interagissons avec les autres, nous nous blessons inévitablement » est quelque chose que beaucoup comprennent plus profondément en prenant de l’âge. Pourtant, assimiler cela au « vent » est une approche particulièrement inédite : il peut être froid et violent, ou au contraire doux et réconfortant, en fonction du contexte ou de l’état d’esprit dans lequel on se trouve. C’est une perspective qui fait écho à la façon dont nos relations humaines peuvent également changer de sens et d’impact selon nos émotions et nos situations.
3. Zutto Mayonaka de Iinoni. (ZUTOMAYO) – « Kaiba Seichotsu »
Date de sortie : 29 août 2024
En évoquant les titres phares de zutomayo en 2024, la plupart des fans citeront sans doute « TAIDADA », le très populaire ending de l’anime à succès Dandadan. Pour ma part, mon coup de cœur est « Kaiba Seichotsu ». Son refrain est marqué par un jeu de rimes complexe et inoubliable—une seule écoute suffit pour l’avoir en tête toute la journée.
Cette année, zutomayo a également publié un live de deux heures, un enregistrement captivant du début à la fin. À l’heure où l’on est submergé de contenus, prendre le temps d’écouter deux heures de concert d’une traite est un luxe, mais celui-ci est tellement fascinant qu’il en vaut largement la peine.
4. Yorushika – « Yu, Sansan »
Date de sortie : 28 août 2024
Cette chanson est une reprise du titre original de CreepHyp, sorti en 2013. En août 2024, un album hommage a vu le jour pour célébrer le groupe CreepHyp, rassemblant des reprises de leurs chansons les plus emblématiques par différents artistes. Parmi ces reprises, la version de « Yu, Sansan » signée Yorushika se démarque particulièrement. L’original avait suscité un fort engouement en tant que chanson-thème d’une publicité pour la crème solaire Shiseido, marquant durablement les esprits.
Quand la version originale est sortie, j’étais encore dans la vingtaine, et ses paroles m’avaient profondément touché. Aujourd’hui, plus d’une décennie plus tard, écouter la reprise de Yorushika fait résonner en moi la même émotion. Peut-être que mon état d’esprit n’a pas tant changé depuis, ou alors Yorushika a su intensifier l’énergie brute du morceau originel d’une manière encore plus poignante.
5. Hitsujibungaku (羊文学) – « Burning »
Date de sortie : 3 juillet 2024
Ending de la saison 2 de Oshi no Ko
Ce titre a été spécialement composé comme générique de fin pour la deuxième saison de l’anime Oshi no Ko. Quand on parle de Oshi no Ko, on pense inévitablement au succès phénoménal de « Idol » par YOASOBI, utilisé comme générique d’ouverture de la saison 1.
Pour ma part, j’ai trouvé la deuxième saison encore plus captivante, au point de la « binge-watcher » en une seule journée. Et le générique de fin m’a vraiment marqué : à chaque épisode, alors que l’histoire atteignait son apogée, l’arrivée du riff de batterie et de la guitare saturée me surprenait—« Quoi ? Ils arrêtent ici ?! »—laissant à chaque fois une impression marquante.
Le son de « Burning » est remarquablement original pour un générique d’anime. Ses riffs de guitare distordus dégagent une force brute, rare dans ce type de contexte. Oshi no Ko a toujours fait preuve d’audace dans ses choix musicaux : après avoir fait appel à QUEEN BEE, un groupe de rock japonais reconnu, pour le générique de fin de la saison 1, la série continue sur sa lancée avec le rock percutant de Hitsujibungaku. Ces partis pris audacieux se sont révélés payants, renforçant l’impact de l’anime par la musique.
6. Kenshi Yonezu – « Sayonara Mata Itsuka »
Date de sortie : 8 avril 2024
Chanson-thème de l’Asadora NHK Tora ni Tsubasa (The Tiger and Her Wings)
Impossible de passer à côté de ce titre, qui est incontestablement l’une des chansons phares de 2024. Servant de générique à un Asadora—le drama matinal de la NHK diffusé tous les jours de la semaine à 8h, sur une durée de 15 minutes, pendant six mois (soit environ 130 épisodes)—il s’est logiquement ancré dans l’esprit de nombreux téléspectateurs. Avec plus de 20 millions de spectateurs par épisode, on imagine aisément l’influence considérable de cette chanson, entendue quotidiennement pendant la diffusion.
Kenshi Yonezu a délibérément opté pour un style léger et facile à écouter, parfait pour bien commencer la journée. Par rapport à ses autres morceaux, celui-ci se distingue par son côté joyeux et aérien, ce qui le rend idéal pour instaurer une ambiance lumineuse dès le matin.
La chanson a aussi suscité l’intérêt pour son clin d’œil à la littérature japonaise, en reprenant un vers d’un haïku du célèbre poète Santoka Taneda. Ce détail, associé à sa mélodie entêtante, a conquis de nombreux auditeurs, qui y trouvent non seulement du plaisir musical, mais également une connexion profonde avec l’héritage littéraire du Japon.
7. Awich, NENE, LANA, MaRI, AI & YURIYAN RETRIEVER – « Bad B*tch 美学 Remix » (Prod. Chaki Zulu)
Date de sortie : 19 juillet 2023
Le mic relay assuré par Awich, NENE, LANA, MaRI, AI et YURIYAN RETRIEVER est tout simplement époustouflant. Chacune des artistes exprime une identité si marquée que l’on a l’impression de voir défiler une équipe de super-héroïnes, chacune arborant ses propres pouvoirs. Personnellement, j’adore le hook chanté par la voix si singulière de LANA, mais la partie qui domine clairement la scène est celle de l’humoriste Yuriyan Retriever en fin de morceau.
Pour des raisons de droits, je ne peux pas partager les paroles ici, mais croyez-moi : une fois entendues, il est impossible de les oublier. Les paroles audacieuses et la performance frappante ont fait parler d’elles, notamment lors d’un passage dans l’une des rares émissions musicales en direct au Japon, suscitant un grand intérêt auprès du public.
8. Official HIGE DANDism – « TATTOO »
Date de sortie : 21 avril 2023
Chanson-thème du drama TBS Pending Train
Ce titre a été composé comme générique pour le drama du vendredi soir, Pending Train, sur TBS. L’intrigue raconte comment des passagers d’un train à Tokyo se retrouvent soudain projetés dans un futur dévasté. Dans ce monde hostile, ils traversent entraide, trahisons et surpassement de soi. Pour être honnête, je n’ai pas regardé la série jusqu’au bout, mais le générique m’a immédiatement plu, et je l’ai écouté en boucle.
Le titre « TATTOO » m’a d’abord surpris : au Japon, les tatouages restent fortement associés à la pègre ou à la délinquance. Après avoir lu les paroles, j’ai compris que la chanson n’évoquait pas un tatouage au sens littéral, mais utilisait l’idée d’une marque indélébile. Elle peut se prêter à diverses interprétations, mais je vois cela comme le symbole d’une « empreinte de conscience » qui définit notre humanité.
À noter que 2024 a aussi été marquée par la sortie d’une auto-reprise de « TATTOO », le hit de 1988 d’Akina Nakamori, diffusée sur YouTube. Cette version moderne a rencontré un franc succès et a fait parler d’elle, devenant l’un des titres marquants de l’année. Bien que les deux morceaux n’aient rien à voir entre eux, c’est un amusant hasard de voir le même titre « TATTOO » susciter autant d’attention dans deux contextes très différents.
9. King Gnu – « Stardom »
Date de sortie : 17 novembre 2022
Chanson-thème : Couverture du football sur NHK (Coupe du monde de la FIFA 2022)
Je ne suis pas particulièrement passionné par le football, mais la Coupe du monde 2022 m’a laissé une forte impression. L’équipe nationale japonaise s’est retrouvée dans ce que l’on surnommait le « groupe de la mort », avec des prédictions qui annonçaient une élimination précoce. Pourtant, elle a créé la surprise en battant l’Allemagne et l’Espagne, et en terminant même en tête du groupe. En huitièmes de finale face à la Croatie, elle s’est battue avec courage, ne s’inclinant qu’aux tirs au but. C’était un tournoi qui a laissé chez les supporters un mélange d’« on n’était pas loin » et d’amertume familière.
Cet esprit de résilience s’était déjà manifesté lors de la Coupe du monde 2018. Opposé à la Belgique en huitièmes, le Japon menait 2-0 et semblait sur le point de créer la surprise, avant que la Belgique ne renverse la situation en marquant trois buts. Des moments comme ceux-ci rendent le message de « Stardom »—« surmonter la frustration et aller de l’avant »—encore plus fort.
La chanson contient aussi une touche d’humour discret dans ses paroles, comme si elle disait : « Nous avons fait tout ce que nous pouvions—maintenant, c’est à la chance de jouer. Il est temps qu’elle nous sourie, non ? ». En outre, les fans ont remarqué des clins d’œil à « Fly with Me » (2020), titre issu de millennium parade, l’autre projet de Daiki Tsuneta, le leader de King Gnu. Cette référence ajoute une dimension supplémentaire et rend la chanson encore plus marquante, faisant de « Stardom » un hymne mémorable pour un tournoi historique.
10. STUTS & Takako Matsu with 3exes – « Presence I » feat. KID FRESINO
Date de sortie : 23 juin 2021
Chanson-thème du drama Fuji TV My Dear Exes (Oomameda Towako to Sannin no Moto Otto)
Cette chanson est le générique d’un de mes dramas préférés, My Dear Exes (Oomameda Towako to Sannin no Moto Otto). L’un des attraits singuliers de la série réside dans le fait que l’actrice principale, Takako Matsu, interprète elle-même la chanson-thème. L’ambiance si particulière du drama est encore rehaussée par le scénario, signé Yuji Sakamoto, qui a remporté le prix du Meilleur Scénario au Festival de Cannes 2023 pour le film Monster.
En tant que chanson-thème, « Presence I » s’inscrit dans une série de cinq morceaux (« Presence I-V »), chacun accueillant un rappeur différent : KID FRESINO, BIM, NENE, Daichi Yamamoto et T-Pablow. Ces titres incarnent une collaboration audacieuse et novatrice, fusionnant musique et narration du drama. Les acteurs interprètent certains passages rap, et les rappeurs invités font de brèves apparitions dans la série, créant une expérience immersive où musique et images s’entrelacent habilement.
11. Hikaru Utada – « PINK BLOOD »
Date de sortie : 2 juin 2021
Chanson-thème de l’anime To Your Eternity (Fumetsu no Anata e)
« PINK BLOOD » a été composée par Hikaru Utada pour l’anime To Your Eternity (Fumetsu no Anata e). Les paroles d’Utada ouvrent souvent de nouvelles perspectives et remettent en question les idées établies, donnant l’impression qu’elles sont en avance sur leur temps. Cette chanson ne fait pas exception, délivrant un message fort et stimulant.
Le message central que j’y perçois est à la fois simple et essentiel : « Définis ta propre valeur. » C’est un appel direct à se tenir droit et à être fidèle à soi-même, peu importe le regard des autres. On a l’impression d’entendre une voix rassurante souffler : « Tu es suffisant tel que tu es. Aie confiance en ton existence. »
Il arrive qu’on s’épuise à chercher sans relâche des réponses, au point de s’égarer. Or, cette chanson rappelle avec douceur : « Tu n’as pas besoin de toutes les réponses ; le simple fait d’être là a déjà du sens. » Un message universel qui résonne profondément et apporte réconfort et force.
12. Gen Hoshino – « Fushigi »
Date de sortie : 27 avril 2021
Chanson-thème du drama TBS Kikazarukoi ni wa Riyuu ga Atte (There’s a Reason for the Love I’m Wearing)
Ce morceau sert de générique au drama de TBS Kikazarukoi ni wa Riyuu ga Atte. Sans l’avoir regardé, et sachant qu’il s’agit d’une romance, on peut imaginer que le titre tourne autour du thème de l’amour.
Le titre « Fushigi » (qui signifie « mystérieux ») se révèle intrigant—pas le genre qu’on associerait spontanément à une chanson d’amour. Pourtant, ce choix atypique épouse parfaitement l’atmosphère subtile et introspective de la piste.
Gen Hoshino a déjà confié qu’il se sent parfois un peu gêné lorsqu’il écrit des paroles sur l’amour. C’est sans doute la raison pour laquelle, bien qu’étant une chanson d’amour, « Fushigi » évite les grandes déclarations explicites. Au lieu de cela, il exprime l’affection et l’attirance de manière subtile et poétique, en restant dans une certaine retenue.
La chanson devient alors fascinante en offrant une manière de repenser la romance avec un regard plus objectif. Elle ne cherche pas à raviver des émotions brutes et déchirantes comme certaines chansons d’amour peuvent le faire. Au contraire, elle évoque doucement des souvenirs enfouis, un peu comme une « scène déjà vue » nichée dans un coin de notre mémoire. C’est cette capacité à rappeler calmement ces instants passés qui, selon moi, constitue le véritable charme de « Fushigi ».
13. King Gnu – « Abuku »
Date de sortie : 5 mars 2021
Chanson-thème du film The Sun Stands Still et du drama The Sun Stands Still – The Eclipse –
Ce titre est une relecture d’une chanson créée à l’époque où King Gnu s’appelait encore Srv.Vinci. Personnellement, j’ai complètement accroché dès la première écoute, et je me revois encore errer dans les rues la nuit en la mettant en boucle.
Malgré la notoriété grandissante de King Gnu, ce titre n’a pas atteint des sommets d’écoute en streaming comme on aurait pu l’espérer—et c’est bien dommage, car j’aimerais vraiment les voir persister dans ce style.
Ceci étant dit, le clip est absolument splendide. Il met en scène l’acteur et danseur Mirai Moriyama, dont la présence à l’écran irradie d’intensité et d’émotion. Le résultat est un ensemble visuel captivant, qui s’accorde parfaitement à l’atmosphère de la chanson. Si vous ne l’avez pas encore vu, je vous recommande vivement de le découvrir.
14. ¥ellow Bucks – « Balls Out » feat. MIYACHI & Shurkn Pap
Date de sortie : 21 août 2020
J’apprécie généralement le rap japonais plus lent et décontracté, mais ¥ellow Bucks m’a séduit par son mariage unique de vitesse et de finesse. Ses choix de mots sont précis et intelligents, ce qui rend les paroles faciles à suivre, même à un tempo élevé. Sa voix présente juste ce qu’il faut d’aspérité tout en restant claire, offrant un rendu étonnamment agréable à l’oreille. Et surtout, son timbre vocal est profondément accrocheur—on ressent un certain confort qui donne envie de réécouter encore et encore.
L’album Jungle a marqué un tournant majeur pour ¥ellow Bucks, le propulsant sur le devant de la scène hip-hop au Japon. C’est également à travers cet album que je l’ai découvert. Sorti en 2020, il coïncide avec l’élargissement de la visibilité du rap japonais sur les plateformes de streaming et dans les playlists de nouveautés.
Au Japon, des genres comme la J-pop, le rock ou la musique Vocaloid ont longtemps dominé le paysage musical. Toutefois, la reconnaissance grandissante du rap depuis quelques années signale une évolution notable. L’essor d’artistes comme ¥ellow Bucks témoigne de cette dynamique, offrant une vitrine de plus en plus large au hip-hop dans le pays.
15. Creepy Nuts – « Katsute Tensai Datta Oretachi e » (À nous, ex-génies)
Date de sortie : 19 août 2020
Ce morceau figure sur le deuxième mini-album de Creepy Nuts, qui porte le même titre, et a remporté le prix du Meilleur Clip Hip Hop aux MTV VMAJ 2020.
Les paroles décrivent un dilemme que beaucoup d’adultes connaissent : celui de voir peu à peu s’éteindre l’éclat de sa jeunesse et de se fondre dans les conventions, pour finir par devenir « banal ». Pourtant, la chanson ne se contente pas de dépeindre cette réalité ; elle délivre au contraire un message porteur d’espoir : « La vie continue » et « Il n’est jamais trop tard ». Elle incite à dépasser les limites que les autres—ou nous-mêmes—posons à notre existence.
Creepy Nuts est sans conteste l’un des groupes phares de la scène hip-hop japonaise. Leur présence régulière dans les émissions de télévision et de radio leur a permis de gagner en popularité et de marquer la culture bien au-delà des ventes. Le titre « Katsute Tensai Datta Oretachi e » résume à lui seul leur essence.
D’ordinaire, dans le hip-hop, le « nous » désigne un cercle restreint ou un crew, créant un effet d’entre-soi. Ici, Creepy Nuts élargit la portée de ce « nous » pour toucher tous les auditeurs. Cette transition d’un « nous contre eux » vers une approche plus inclusive donne à la chanson une résonance plus profonde, invitant chacun à se projeter. C’est sans doute l’une des raisons majeures de son impact durable.
16. Kenshi Yonezu – « Campanella »
Date de sortie : 5 août 2020
« Campanella » ouvre STRAY SHEEP, l’album le plus vendu au Japon en 2020. À une époque où les CD physiques perdent du terrain, cet album a tout de même enregistré des ventes dépassant les 2 millions d’exemplaires. Une œuvre incontournable pour toute personne qui suit la musique au Japon. Pour ma part, je n’avais pas acheté de CD depuis 15 ans, mais cet album m’a fait replonger. Ne possédant même pas de lecteur CD, j’ai fini par feuilleter le livret des paroles tout en écoutant l’album en streaming sur Spotify—une façon de renouer avec l’objet musical, et je ne le regrette pas.
Je me souviens encore de l’été 2020, en pleine pandémie de COVID-19. Sous une chaleur écrasante, le visage masqué et dégoulinant de sueur, j’ai poussé la porte de Tower Records pour acquérir cet album. Ce moment, et l’album lui-même, sont restés gravés dans ma mémoire.
STRAY SHEEP inclut aussi « Lemon », le méga-hit de Yonezu datant de 2018, l’un des clips les plus écoutés et vus au Japon. Mais comme cet article met en avant des morceaux sortis après 2020, j’ai opté pour « Campanella », spécifiquement écrit pour l’album. Kenshi Yonezu a pour habitude de composer un morceau qui synthétise le concept de l’album une fois que la majorité des titres sont terminés, et « Campanella » en est un magnifique exemple.
17. Fujii Kaze – « Yasashisa » (Gentillesse)
Date de sortie : 17 avril 2020
« Yasashisa » est sorti un an après les débuts de Fujii Kaze avec son single « Nan-Nan ». À l’époque, je me suis dit simplement : « Tiens, un nouvel artiste intéressant. » Mais l’année suivante, avec son premier album, il est littéralement passé du statut de révélation à celui de superstar, quasi du jour au lendemain.
Ce titre est paru en single juste avant la sortie de son album, à un moment où Fujii Kaze n’était pas encore sous le feu des projecteurs. Il dégageait déjà des paroles et un message singuliers, qui se distinguaient nettement de ce qu’on entendait ailleurs. Même le choix de « Yasashisa » comme titre paraissait alors innovant et rafraîchissant.
En 2024, Fujii Kaze est indéniablement l’un des artistes japonais les plus connus à l’international. Sa popularité est évidente au Japon, mais elle est tout aussi impressionnante dans le reste de l’Asie. Cette percée hors des frontières a été largement favorisée par le phénomène viral de « Shinunoga E-Wa », d’abord plébiscité en Thaïlande avant de conquérir l’Asie, l’Europe et même d’obtenir une certification Gold aux États-Unis en 2024.
Alors que des groupes tels que BABYMETAL, Lamp ou Ichiko Aoba sont également reconnus à l’étranger, ils restent souvent plus confidentiels au Japon. À l’inverse, la plupart des artistes japonais percent surtout sur leur marché domestique (sauf dans le cas des chansons d’anime). Fujii Kaze, quant à lui, suscite un enthousiasme similaire au Japon et à l’étranger, sans même avoir recours à l’univers de l’anime—un fait rare.
Son évolution est un indicateur précieux pour observer comment la musique japonaise se diffuse de plus en plus à l’échelle mondiale. Son statut d’artiste épanoui à la fois au Japon et à l’international en fait un acteur à surveiller de près, tant son potentiel semble sans limite.
18. Kiro Akiyama – « Caffeine »
Date de sortie : 3 mars 2020
Au Japon, il est plutôt rare de voir des chanteurs solistes jouer de la guitare électrique en s’accompagnant eux-mêmes. Quand Kiro Akiyama est arrivé sur le devant de la scène, je me suis dit que son style sonnait vraiment frais. Son allure a également fait sensation : cheveux décolorés en blond, avec une frange tellement longue qu’elle lui cachait presque les yeux—un contraste marquant par rapport à l’année 2024, où les codes capillaires ont évolué.
Le temps passant, on s’aperçoit à quel point le paysage a changé en à peine quatre ans. Chez les chanteurs masculins japonais, c’est le style capillaire—notamment la frange—qui a le plus bougé, selon moi. Même Kenshi Yonezu, qui chantait dans « LOSER » : « Ma frange est trop longue, je n’y vois plus rien », arbore désormais les cheveux relevés, le visage plus dégagé.
Lors de sa récente performance de « Caffeine » dans THE FIRST TAKE, Kiro Akiyama affichait lui aussi un style différent, avec la frange sur le côté et les yeux bien visibles—un contraste frappant par rapport à sa période initiale. Cette évolution stylistique reflète peut-être l’adoption d’une esthétique plus ouverte et expressive, influencée par les tendances mondiales.
19. Tokyo Jihen (Tokyo Incidents) – « Eien no Fuzai Shoumei » (The Scarlet Alibi)
Date de sortie : 29 février 2020
Chanson-thème du film Detective Conan: The Scarlet Bullet
Ce titre a marqué un tournant essentiel dans l’histoire de Tokyo Jihen, puisqu’il est sorti après huit années de séparation depuis la dissolution du groupe en 2012. Quelques semaines après leur single de retour « Erabarezaru Kokumin » (The Lower Classes), « Eien no Fuzai Shoumei » a servi de fer de lance à leur nouvelle ère, symbolisant leur renaissance.
Mais la pandémie de COVID-19 est venue tout chambouler : la sortie du film a été retardée d’un an, et leur tournée de printemps—13 concerts prévus—s’est interrompue après seulement deux dates. Le reste a été annulé suite aux craintes et critiques quant au risque de propager le virus.
Pour moi, la re-formation de Tokyo Jihen était un véritable « événement », un retour inespéré qui m’a procuré une énorme joie. Pourtant, l’enthousiasme s’est heurté à la sombre réalité de l’époque. L’incertitude liée au virus a jeté une ombre sur cette fête attendue.
Je me souviens avoir pensé : « Est-ce vraiment le moment ? ». Un sentiment qui ne concernait d’ailleurs pas seulement Tokyo Jihen, mais tout ce que je faisais alors. Dans ces premiers mois de la pandémie, personne ne savait combien de temps la situation durerait, et chaque initiative se retrouvait assombrie par la question : « Peut-on vraiment continuer comme avant ? ». Cette incertitude est devenue, pour moi, l’une des marques de cette période, même quand se produisaient des événements heureux.
20. eill – « SPOTLIGHT »
Date de sortie : 6 novembre 2019
« SPOTLIGHT » est le titre phare du premier album d’eill et en ouvre la tracklist avec une énergie éclatante. On a l’impression d’une chanson-manifeste, illuminant la voie prometteuse de la jeune artiste.
Bien que cet article s’attarde sur des titres allant de 2020 à 2024, « SPOTLIGHT » est techniquement sorti en novembre 2019. Étant donné que c’était à la toute fin de l’année, j’espère que vous tolérerez ce petit écart—on est presque en 2020, après tout. Paru juste avant que la COVID-19 ne commence à faire la une des médias internationaux, le morceau appartient à une époque encore épargnée par l’ombre de la pandémie.
Le contraste est d’autant plus frappant à l’écoute d’aujourd’hui. Depuis 2020, tant de choses ont changé, et pas seulement à cause du virus. En 2024, quand je tente de me remémorer mon état d’esprit d’avant la pandémie, je me surprends à me demander : « Ai-je vraiment retrouvé ma vie d’avant ? Suis-je devenu plus sensible à tout ? ». Tenter de saisir comment je me sentais alors, c’est un peu comme attraper de la brume.
Sorti à la fin de 2019, « SPOTLIGHT » reflète cet élan d’optimisme et d’excitation qui entourait l’arrivée de 2020, quand on attendait impatiemment des événements comme les Jeux olympiques de Tokyo et qu’on nourrissait mille espoirs pour la nouvelle décennie.
Réflexion sur les chansons japonaises phares des années 2020 : coups de cœur et souvenirs personnels
En passant en revue les hits japonais de 2020 à 2024, j’ai essayé de proposer une liste variée en termes d’artistes et d’années. Il se trouve que Kenshi Yonezu y apparaît trois fois, et que six des vingt chansons datent de 2024. Je n’ai qu’un seul titre pour 2022, période où j’avais momentanément troqué Spotify pour YouTube Music. Avec le recul, je trouve que Spotify offre un système de découverte plus abouti—même si je n’ai peut-être pas pleinement exploré YouTube Music à l’époque.
Redécouvrir ces succès de la J-pop post-2020 m’a procuré une joie inattendue. La musique est souvent associée à des souvenirs précis, et réécouter ces morceaux m’a rappelé qui j’étais à différents moments de ma vie. Certains titres m’ont même semblé inédits, comme si je les entendais pour la première fois, preuve de leur intemporalité.
Si l’envie vous prend, je vous invite à faire le même exercice avec une période ou un thème musical qui vous tient à cœur. Vous aurez peut-être la surprise de redécouvrir des morceaux chargés de signification ou d’en dénicher de nouveaux. Pour conclure, vous trouverez ci-dessous une playlist Spotify rassemblant les 20 titres japonais mentionnés. J’espère que vous prendrez autant de plaisir à les (re)découvrir que moi !
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